TRANSFERT...
TRANSFERT…
Nous étions ce soir-là, en haut pays de farouches contrées sous voûtes centenaires d’une bâtisse trapue aux murs de forteresse. Une unique fenêtre, large, peu haute, une seule porte aussi et de même facture, de ces brèches mesurées au plus juste qu’affectionne cette montagne aride pour tempérer les ardeurs contrastées de son âpre climat, sauvage. La froidure frappait aux vitres ruisselantes de buée taciturne, en vain. Elle était repoussée par les voiles serrés de tentures lourdes qui barraient de leur mieux leurs embrasures glacées, autant que l’épaisseur ventrue de murailles calcaires grossièrement appareillées. Nous ne la sentions pas, car dans la cheminée, basse, peu profonde mais large de plus d’un mètre de chaleur incandescente se consumaient des bûches de fayard clair, entrelacées, énormes, débitées il y avait bien des lustres aux coupes escarpées des ubacs, sèches et dures comme roche de tant d’années passées aux bises acérées des hivers rigoureux, comme au soleil de plomb des étés canicules, sous leurs abris précaires ; elles partageaient leurs flammes en un brasier ardent.
Devant l’âtre, si près, et ignorant ailleurs l’espace qui nous était offert, sur le couvre-lit d’or d’un divan fatigué de trop de nuits d’amour, nous étions deux, et, comme ces flammes-là, nus, nous nous buvions des yeux, affolés, embrasés de Désirs licencieux pour transports capiteux. Devant l’âtre, si près, l’air brûlait nos couennes parturientes de nos Amours naissantes.
Elles léchaient ton corps en rythmes ondulants et moirés des pigments de l’automne, miroir de leurs aurores et de leurs agonies aux braises fort jolies, complices de Ta petite mort qui étreignait alors en lascifs jeux de reins tes doux apaisements de grâce ardente. C’était un instant merveilleux ! Tes seins moelleux dardaient les libertines arrogances de Ton plaisir vainqueur, leurs aréoles tendres vibraient sous mes doigts en subtils arpèges, ivres de leurs délires et de leurs abandons. Aucune autre lumière ne profanait l’obscur, et ta peau, irradiée de leurs nuances feux rayonnait d’une volupté folle, rare. Les galbes de ton corps dansaient de leurs ferveurs en reflets dissolus, lustrés et languissants, un peu plus que charmeurs.
Je ne voyais que Toi ! Dans la chaleur du lieu, je partageais la tienne en caresses suaves. Ta gorge palpitante s’offrait à mes baisers, fervents, à mes yeux dévorés par l’envie, et le satin douillet de ta peau ondoyante épousait de mon corps chaque parcelle offerte. Comme tu étais miel en tes chairs d’incendies ! Comme tu étais belle ! Comme tu étais Femme ! Et nos corps, de concert, en vagues ralenties ondulaient en sensuels soupirs. Tu vibrais, flamme vive, et m’avais chevauché telle une walkyrie d’une fureur ardente, et nos plaisirs mêlés distillaient en ton ventre assouvi notre parfum d’éternité. Soudés en un baiser infiniment charnel aux mouvances humides nos sexes enivrés de nos débordements, nous haletions notre tourment de divine luxure au cœur de cette nuit mystique défiant la froidure de cet automne obscur. Et nos regards, en communion, buvaient à leur passion notre suprême Graal.
Alors, si amoureusement, mes bras d’homme t’enlacèrent, plus fort, plus tendrement encore, et tu laissais ton être sur le mien reposer, chairs et feux, osmose sublimée de ferventes clartés aux danses sybarites. Je frémissais ainsi de tes moindres pensées et ta peau satinée s’imprimait sur la mienne ; noyées de voluptés elles s’imprégnaient entre elles. J’aurais voulu que dure pour une éternité cet instant de fusion aux franges d’absolu. Et nos âmes fondues en nos corps éperdus s’envolèrent vers les cieux, pour y rencontrer Dieu.
Ardente nuit d’amour d’un novembre glacé où le souffle de feu de ce corps épousé, la chaleur de son ventre pour mon sexe noyé, n’étaient pas « Toi », l’aimée ; il s’agissait d’une autre mais qui n’était pas là, c’était « Toi » dans mes bras.
Ce soir-là elle me dit « Tu es tout loin… ».
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